
Bretagne, 2002
Ignoriez-vous la fuite de la réalité ? Oui, elle fuit, notre belle réalité, sous mes pas elle chavire allègrement. La réalité est toujours plus petite que le Réel, elle ressemble trop aux cages qui cloisonnent la vie. La réalité est mesquine, rabougrie lorsque j’identifie le Réel, le grand souffle éternel, au visible rassurant de mon existence, lorsque je consens à l’acceptation d’un monde prédécoupé par les impératifs d’un utilitarisme insensé. Ce monde, abâtardi par mes vues moutonnières et aveugles, ce monde qui court à contre-sens, vers une forme de mort. Le Réel meurt, et nous sommes ses serviteurs. Le Réel est la chance de la réalité, car c’est par lui qu’elle advient. J’en ai pris mon parti, je louerai ce grand Réel, cette grande Dame terrifiante, discrète et formidablement rénovante. Je rendrai grâce à sa puissance ineffable, dévastatrice, fécondante, illuminante, car fuir la réalité, c’est parfois retrouver un certain sens du Réel.